La 4rtgallery présentait l'exposition "Traces - Du côté de Klaus Ramka". Une exposition dédié à l'une des identités de Raphaël Thierry. Sous son pseudonyme Klaus Ramka, c’est le rapport à la forme abstraite qu’il explore. La recherche par le geste d’une écriture libérée du rapport au réel. Déployer le champ des possibles à partir d’un seul signe. La vision de Klaus Ramka s’appuie en effet sur une seule forme abstraite qu’il nomme: totem. Forme à l’origine rectangulaire qui évoque schématiquement les traits d’un masque : deux yeux, un nez, une bouche. Le principe de sa pratique picturale repose principalement sur son aspect sériel : le même motif répété à l’infini sous les formes et techniques les plus variées. C’est dans le jeu et l’exploration de ces variations qu’il déploie son univers formel.
Une dimension spécifique s’est affirmée très tôt dans le travail de Raphaël Thierry, avant qu’il n’entame sa carrière de graphiste puis de peintre. Il était encore lycéen qu’il produisait déjà des affiches, des dessins humoristiques, des bandes dessinées. Il collaborait aux fanzines du Lycée Aubanel. On pouvait souvent repérer dans ces productions des motifs récurrents qu’il appelait « monstres ». Ceux-ci n’avaient rien à voir avec les contenus abordés et créaient une atmosphère agressive et ironique. Puis ces motifs prirent leur indépendance : ils devinrent à eux seuls les éléments de compositions particulières que l’on peut voir dans le petit film tourné en 1990 par Laurent Bouit.
Ces balbutiements sont une des sources de la production qu’il appelait « totems ». Les autres viennent sans doute de sa passion pour les masques et la sculpture africaines. Sa thèse à l’Ecole supérieure d’arts graphiques Met de Penninghen, intitulée « Faces à Faces » montre l’importance de cette thématique dans les trois dimensions du pop-up.
À un moment, lequel ? Nous n’en savons rien, il y a eu mutation et concentration de ces formes en un schéma devenu obsessionnel : le « totem » dont il s’amusait à vérifier partout la présence : façades, portes, fenêtres, étagères, étendoirs, calendres… Il lui semblait qu’il pouvait lire sous la diversité des structures un même schéma qui lui faisait signe. Il ne contemplait pas les taches sur les murs. Il avait l’impression d’une connivence avec le monde s’il reconnaissait cette structure, dissimulée quelque part.
De quoi s’agit-il ? D’un pas vers l’abstraction. Mais d’un pas seulement. Il y a schéma au sens de « figure représentant les éléments essentiels d’un objet pour faire comprendre sa conformation ou son fonctionnement. » (Dictionnaire de la langue philosophique. PUF 1978) La conformation est assez simple : un rectangle vertical offre en haut un espace pour les yeux et en bas, après la chute le long d’un nez qui divise la figure, une mâchoire généralement bien endentée. Le pinceau hanté par cette épure peut se livrer à toutes les variations, à tous les accidents d’une réalisation intense et répétitive. Le fonctionnement est agressif et ironique, là aussi. Et franchement critique à cause du support utilisé. Ce n’est pas un hasard si Raphaël Thierry peint au verso d’une image pieuse de Sainte Bernadette.
La schématisation n’est pas seulement abstraite parce que continue de se manifester, dans ces conditions, l’expression d’un regard et même d’une sorte de visage. Cet objet visuel et virtuel, le totem, ne se départira jamais de cette ambiguïté. On trouvera dans les réalisations multiples, toute la gamme des dosages possibles où entrent à des degrés divers l’abstraction et l’expression. Les extrêmes étant, d’une part, la schématisation absolue en béton cellulaire fabriquée avec des formats standards du commerce : nul regard, nulle expression. D’autre part, les derniers totems au noir dont l’expression torturée et torturante a fini par faire éclater le cadre habituel du masque rectangulaire en occupant toute la page. {...)